Les gens
est un projet poétique pour dire
pas l’inspiration, mais le matériau
que m’ont fait les êtres qui me font.
Je suis ces lieux, je suis devenue ces gens.
Partout, toujours, je ne vais pas à des endroits: ce sont des personnes qui viennent à moi. Dans l’ici comme dans les ailleurs, les drapeaux ne sont pas des endroits, mais des noms. Ce sont des voix, des visages, des moments où pulsent une connivence secrète, un fil de lumière dans l’espace, un dénudement. Nous devenons ainsi ni l’un, ni l’autre, mais l’espace où nous nous touchons. Je recherche et me nourris de ces moments où la vulnérabilité partagée revêt une texture particulière, où quelque chose de précieux advient. En laissant le fragile espace des véritables rencontres me traverser, elles élisent domicile en moi. Et se mettent à y habiter des petits poèmes comme ceux-ci, qui pointent, entourent, creusent, compatissent, portent. Parce que, comme la poète Naomi Shihab Nye l’écrit, «it was never about who I was, but how I held them».
J’ai choisi d’accompagner chaque poème d’une photographie voyageuse, surtout des portraits, croqués par un être au plus près de mon cœur. Ses images ne captent pas nécessairement la personne que mes mots dessinent, mais il y a toujours un écho dans leur tonalité, leur essence, dans ce que l’un et l’autre me disent. J’aime ce geste de relier des êtres à leur insu, au-delà des cultures et des années et des continents, à travers le filtre de ma perception sensible. En nait un matériau encore plus riche, doublé, de l’étoffe dont les robes de mariées et les couches de bébé sont faites.
Laranjo, Catherine Anne. 2018. Les gens. Carnet en ligne sur le site Quartier F. http://quartierf.org/carnet/les-gens