Résister et [ré]écrire

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Cahier référent

Démarche

Mobilisation 6600 est un groupe militant de citoyen.nes qui lutte activement depuis 2016 contre les projets industriels menaçant les espaces libres du quartier Hochelaga-Maisonneuve à Montréal (Boisé Steinberg, Boisé Vimont, friche ferroviaire, terrain vague, Boisé Grace Dart, antenne du CN,…). Plus particulièrement, il s’oppose au projet d’implantation d’une plateforme de transbordement de marchandises (Ray-Mont Logistiques) dont l’objectif est de relier le viaduc du port de Montréal en prolongeant le boulevard Assomption et la rue Souligny.

Le groupe articule de manière singulière action politique, discours médiatique et formes poétiques ou créatives (Chénier et Bélanger 2023), mettant ainsi l’accent sur la dimension sensible, humaine, familiale et collective du rapport à l’environnement. C’est précisément ce que nous avons souhaité refléter dans ce travail de réécriture sous la forme d’un journal extime, c’est-à-dire d’une écriture tournée vers le dehors (Ernaux 1993, 2000, 2008, 2016), ou d’un journal intime collectif qui rend compte d’un certain rapport à l’environnement, telle une autosociobiographie environnementale (Berryman 2007), et de la pluralité des voix engagées par le collectif. 

À partir des rétrospectives des années 2022 et 2023 sur resisteretfleurir.info, les portraits de militant.e.s ainsi que les publications Facebook, nous avons procédé à des découpages de paroles, d’arguments qui ont été dits ou écrits – en gras dans le texte. Nous les avons attribués parfois à d’autres afin de créer des voix variées, cohérentes, faisant dans le même temps apparaître les différentes problématiques et revendications du groupe. Les différentes voix constituant les entrées du journal sont singulières, récurrentes et se distinguent par leur propre style, faisant ainsi du journal un texte polyphonique (Bakhtine 1970). Sans pour autant basculer dans la «fiction» ou la création de personnages, nous avons créé des «portraits-types» s’exprimant de manière chorale pour mieux représenter la variété de sensibilités, de motivations et de langages au sein du groupe. Portant une attention particulière au temps qui passe, nous avons calqué le temps de l’écriture sur celui de la nature, cyclique, chaque saison appelant à des événements thématiques singuliers, des manières différentes de se rencontrer. Enfin, nous avons souhaité tenir compte des mobilisations récentes du groupe en ouvrant notre texte à l’actualité la plus brûlante de la manif-action du 23 mars 2024, tout en incluant, dans une perspective de sensibilisation littéraire, notre investissement au projet de réécriture.

Toutes les photos (2023) sont reproduites avec l’aimable permission de Mme Elisabeth Greene et de Mobilisation 6600.

 

RÉSISTER ET [RÉ]ÉCRIRE

PRINTEMPS

M-J.G-samedi 15 avril

Le mois d’avril est toujours un moment fort pour la Mob 6600: rassemblements, manifestation au Jour de la Terre, mais aussi de nombreuses actions de nettoyage. Car lorsque la neige fond, les déchets font surface. Il faut les retirer avant que la végétation ne les recouvre. Aujourd’hui, avec E., A., J. & A., nous avons passé une excellente journée ensoleillée dans le boisé Vimont, à remplir nos sacs poubelles de déchets, retirer les mauvaises herbes… Nous avons profité d’un chaleureux pique-nique, trinqué à notre amour pour notre territoire, pendant que les enfants jouaient, les pieds dans quelques flaques d’eau. Dans deux semaines, nous nous occuperons de la friche, puis du Boisé Steinberg. Le soin qu’on apporte au terrain par le nettoyage, ça renforce notre sentiment d’appartenance et notre lutte contre les conteneurs déjà entreposés. Notre solidarité et force vive citoyenne, c’est ce qui nous encourage à continuer. Tous ensemble, petits et grands contre le projet de transbordement!

 

A.D-samedi 22 avril

Jour de la Terre -manifestation à Montréal, délégation de la Mob 6600. Petit florilège des pancartes aperçues:

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la grande banderole, «Résister et fleurir» sur un fond rouge, avec des fleurs, évidemment, beaucoup de petites fleurs sur les côtés; «EN CRISS CLIMATIQUE.MOB 6600» en bleu sur fond blanc;

«L-E  V-I-V-A-N-T  S-E  D-É-F-E-N-D» (une feuille par lettre);

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«Résister et fleurir» aussi sur une autre pancarte que M. brandit du haut de ses échasses, ou encore sur leurs t-shirts.

 

J.D.-lundi 1er mai

Conférences, festivals, concertations, forums, rassemblements, manifs et plus encore, nous sommes partout! Et cela ne fait que commencer!

 

J.L.-dimanche 21 mai

Entre deux promenades au Boisé avec mon neveu, je ne perds pas de vue les actions collectives. Peu importe si les ministres refusent le dialogue, cela ne nous empêchera pas de chanter! Évidemment, la sécheresse et la canicule battent aussi leur plein et nous rappellent pourquoi on se bat. Quand on pense qu’Hochelaga-Maisonneuve est déjà un des quartiers les plus chauds, et qu’on veut nous enlever nos rares îlots de fraîcheur…

 

A.D.-jeudi 25 mai

Le moins qu’on puisse dire, c’est que le printemps cette année est intense, et que nos adversaires cherchent à nous faire taire. C’est dur parfois de rester motivé, quand la mobilisation traverse des coups durs. Nous avons été accusés de vandalisme alors même que nous nous battons pour la préservation, si ça c’est pas ironique… 

 

ÉTÉ

F.F.-samedi 1er juillet

Quand l’été arrive, et que juillet se profile, viennent avec lui le calme et la chaleur. Les uns après les autres, militants, bénévoles ou même promeneurs partent en vacances et laissent derrière eux nos espaces, le temps d’un voyage. Mais nos boisés sont toujours là, bien vivants, ils sont à la fois refuges et promesses d’aventures pour ceux qui ne peuvent pas quitter la ville. Alors que la lutte est plongée dans la tranquillité estivale, les boisés s’éveillent et deviennent pour toutes et tous des sources de fraîcheur réconfortantes. L’été, pour ceux qui restent, c’est aussi le moment de s’interroger sur nos usages des lieux, d’en sentir les limites. Paraît-il que les feux, les piétinements, les fréquentations plurielles de celles et ceux qui viennent partager des moments aux boisés laissent des traces. Comment concilier liberté, lutte, préservation des espaces dans les conditions qui sont les nôtres? C’est autant de questions que je me pose, au Boisé, par une journée brûlante de juillet…

 

J.L.-vendredi 17 juillet

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C’est ici qu’ils veulent construire leur route, au milieu de ce couloir de végétation, d’ombre et de rayons de soleil qui rendent les promenades si bucoliques. C’est ici qu’ils ont prévu d’allonger le boulevard pour desservir le port de Montréal. Ça me brise le cœur de me dire que, peut-être, mon neveu ne grandira pas dans cet espace paisible où la canopée, cette couverture d’ombre offerte par les branches des arbres, est pourtant seulement de 4.73%. Le reste de la ville prévoit de dépasser 25% de la canopée. Mais nous, notre territoire est menacé. Pourquoi sacrifier notre tendre boisé? Nos vies valent-elles moins que les grains que Ray-Mont Logistiques veut faire transiter par la nouvelle route ? «Pas de route, c’est toute!» ai-je ajouté sur la carte postale pour Geneviève Guilbaut (députée de Louis-Hébert).

 

D.M.-samedi 23 juillet

Dans une énième chaleur du mois de juillet, j’ai tenté de trouver un refuge en me baladant à travers la friche en fin de journée, jusqu’au Boisé Steinberg. C’était beau, vert et venteux, une crécerelle d’Amérique criait en traçant de grands cercles dans le ciel. À un moment les moustiques m’ont trouvée. Le sol était humide, le vieux ruisseau me surprenait ici et là dans les fleurs. J’ai espoir que notre lutte ne soit pas vaine, qu’un jour, cette beauté-là pourra devenir comme une forêt, si on lui laisse la chance. Qu’est-ce qu’on est bien ici.

 

A.D.-jeudi 27 juillet

27 juillet 2023: pétition pour abandon du projet de transbordement du boulevard Assomption-Souligny à Montréal.

CONSIDÉRANT QUE Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) recommande d’éviter d’élargir les routes existantes ou d’en construire des nouvelles afin de ne pas ajouter de nouvelles sources d’émission de GES;

CONSIDÉRANT QUE ces prolongements routiers menacent les rares boisés et milieux humides d’un secteur comptant parmi les plus grands îlots de chaleur de l’île de Montréal (…), allant à l’encontre des objectifs de protection de la biodiversité, essentielle à la résilience des milieux urbains;

(…)

CONSIDÉRANT QUE ces routes serviront principalement au Port de Montréal et à Ray-Mont Logistiques (…) et dont les nuisances affectent déjà la santé et la qualité de vie des résidentes et des résidents. (Assemblée nationale 2023)

Résultat: 3771 signataires: 17e position des pétitions ayant récolté le plus de noms à l’Assemblée nationale depuis 2022.

 

C.-vendredi 11 août

Cher journal,

Enfin, il fait beau! Même si certains sont en vacances, moi je profite et je m’amuse et ce sans même avoir à bouger… Hier, j’ai participé à une activité d’observation, et j’ai pu voir plein d’insectes nocturnes, et même une chauve-souris! C’était une vraie exploration : en pleine nuit, au Boisé, avec ma lampe frontale et mes bottes. J’ai noté tous les noms : Argiope trifasciata, culicidés, Cenopis reticulana Maintenant que je sais qu’ils sont là, j’ouvre l'œil!

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L.L.-mercredi 16 août

C’est l’été que nous prenons enfin le temps de souffler… J’aime vivre dans mon quartier, j’aime y être mère, j’aime croiser les autres parents et ressentir l’appartenance à une communauté Les espaces nous offrent des possibles qu’on ne pourrait pas retrouver ailleurs. Je crois que c’est pour ça que les mères du quartier ont ressenti le besoin de s’organiser entre elles, en tant que mères, que grands-mères pour l’avenir de nos enfants. J’aime bien cette appellation «Mères en colères», ça sonne bien, ça met en valeur. Dans quelques jours aura lieu le sit-in devant les bureaux du premier ministre pour protester contre Northvolt… On devrait se retrouver avant avec E., M, S et d’autres pour fabriquer des bannières, discuter, s’organiser. Même en août, même ralentie, la mobilisation ne s’arrête pas!

 

F.F.-mardi 10 septembre

Mais qui se souvient du boisé Molson? A priori, pas grand monde! Moi, je m’en souviens, comme on était tranquille avec ça, de l’autre côté du terrain vague : on n’entendait pas le bruit infernal des bateaux et des camions.

 

AUTOMNE

C.-jeudi 12 octobre

Cher journal,

Maman nous a dit que samedi on allait au boisé pour planter des arbres. Moi, j’aime bien le parc nature, j’aime bien en prendre soin. Mais pas quand il fait pas beau, et là il pleut beaucoup, alors j’ai pas trop envie. Mais maman dit que planter, c’est nourrir la vie, c’est nourrir la forêt avant l’hiver. Elle dit que c’est important, et, en plus, que je pourrais peut-être chercher des roches. Et planter des graines aussi, j’aime ça. 

 

J.L.-samedi 14 octobre

Quelle merveilleuse journée! Ce matin, comme les 250 personnes qui ont répondu à l’événement Facebook, c’est avec détermination que j’ai enfilé mes bottes de pluie pour rejoindre le terrain humide du boisé Steinberg et participé à la plantation d’arbres. Protéger le peu d’espaces verts de ce quartier, c’est ce qui nous unit contre Ray-Mont Logistiques et le projet de transbordement. Nous, on n’en veut pas de leur pollution et de leur nuisance sonore, on mérite mieux que ça. Le boisé, le terrain vague, c’est notre espace de liberté, c’est vivre différentes choses avec des communautés différentes. Aujourd’hui, la plantation d’arbres c’était un rassemblement politique contre les routes destructrices, mais c’était aussi un rassemblement festif. Le soleil n’était pas au rendez-vous, mais c’était beau, il y avait beaucoup de monde, des familles, des enfants. Brouettes, pelles, truelles, sécateurs, chacun a contribué à sa manière, avec sa bonne humeur, son savoir, son temps, mais aussi avec et pour son amour du boisé. Moi, c’est pour mon neveu de 9 ans que j’ai planté cet arbre.

 

M-J.G.-mardi 17 octobre

On a planté entre 150 et 250 arbres, on a semé une forêt. Une manière de dire «Vous ne passerez jamais!». Là où le prolongement de route pour la concentration et l’augmentation du camionnage est planifié, nous avons été des centaines à dire #StopAssomption et stop à tout autre ajout de routes dans notre secteur qui subit déjà trop. La restauration d’un milieu, ça fait du bien au cœur. Et nous, c’est aussi ce qu’on veut transmettre aux enfants du quartier, et c’est pourquoi on a planté cet arbre pour eux. Tous ensemble, petits et grands contre le projet de transbordement!

 

L.L.-samedi 4 novembre

Quel drôle de mois de novembre! Il fait encore tellement bon qu’on peut sortir dehors, se promener longuement, et croiser les autres familles qui profitent aussi du soleil. Même si j’aime le sentiment de communauté que je ressens pendant ces instants, je ne peux m’empêcher de me demander si tout cela est bien normal…

 

F.F.-lundi 27 novembre

Je ne m’en croyais pas capable, mais je l’ai fait! En fin de semaine dernière, je me suis rendue au Sommet citoyen, et J-D m’a encouragé à y prendre la parole. J’avais tellement peur de m’exprimer devant tout le monde, mais ça a en fait été un très bon moment. J’ai même pu faire des rencontres très intéressantes, avec des personnes, qui, comme nous, comme moi, souhaitent réfléchir la ville autrement. Pendant quelques instants, j’étais aussi un peu moins en colère…

 

HIVER

J.D-jeudi 12 janvier

Jaune, rouge, orange, vert, blanc, bleu, marron. Entreposés tels des Lego, les centaines de conteneurs brouillent les horizons du quartier. Il y a de moins en moins de ciel sur le terrain Ray-Mont Logistiques.

 

D.M.-lundi 22 janvier

Malgré la pollution, malgré l’ombre de Ray-mont Logistiques qui cherche à s’établir dans notre cour, nous sommes bien chez nous. Et même si l’hiver n’est pas la période la plus propice aux rencontres, de belles actions voient le jour chez nous. La pépinière des possibles du mois de janvier est toujours un moment convivial, une manière gaie de commencer une nouvelle année de lutte, de solidarité, et de respect de la nature. Nous nous rassemblons, plantons des sapins, et l’espace d’un instant c’est notre rêve de Parc-Nature qui est rendu réel, la beauté devient tangible, à portée de main. Des générations différentes, réunies autour d’un rêve et des espaces communs. On est bien, ici. C’est ça, la pépinière des possibles.

 

A.D.-samedi 28 janvier

Vu sur une banderole jaune: «Leurs profits nous polluent la vie».

 

J-D.-mardi 30 janvier

Après la pépinière et l’élan de début d’année, c’est tout de suite la réalité sociale qui nous rattrape. Tout va mal: les conteneurs, de plus en plus nombreux, menacent notre environnement grâce à la complicité du gouvernement, les arbres de la friche de Viauville sont arrachés, violentés par le CN, avec leurs machines de la mort et leurs intérêts aveugles. Mais, comme à notre habitude, nous ne nous laissons pas faire : perturbations, actions de désobéissance civile, nous nous frottons aux géants. La réponse ne se fait pas attendre, et des camarades se retrouvent confrontés à la police ou sont victimes de l’agressivité des employés qui nous font face. L’hiver sera long, mais nous sommes résistants.

 

A.L.-dimanche 14 février

C’est février et je déclare mon amour aux terrains vagues, aux boisés, et particulièrement à la forêt magique, le boisé Vimont. C’est la Saint-Valentin des boisés menacés, et j’en profite pour affirmer haut et fort notre besoin de les protéger. Avec d’autres, nous avons accroché des décorations, des cœurs et des guirlandes sur nos précieux arbres. Bien sûr, nous n’utilisons pas de plastique et nous traitons les arbres avec la plus grande douceur. Je crois que c’est un de mes rendez-vous annuels préférés, j’aime le temps qu’on leur accorde, le froid, l’attention qu’on a pour les oiseaux, pour ne pas qu’ils se retrouvent piégés par les décorations. Quelque part dans la forêt magique, j’ai rédigé une lettre d’amour. J'ai écrit des mots doux que j’ai confiés à un grand peuplier, un populus deltoïde. J’espère qu’il pourra les transmettre aux générations futures.

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Légende / Description

Crédit: Clothilde Cazamajor et Morgane Pernet

 

C.-dimanche 14 février

Cher journal,

Moi aussi j’ai écrit une lettre d’amour au boisé. Sur un cœur bleu, j’ai écrit: sauvons le boisé Steinberg. Je sais plus le nom de l’arbre, mais je crois que la nature était contente, car le soleil est venu nous faire un petit coucou.

 

M-J. G.-mercredi 15 mars

Dans la boîte aux lettres du jour, j’y ai trouvé une affiche plutôt sympa pour le Carnaval d’Hiver de Résister et fleurir. «Venez casser la croûte au snack-bar chez Ray-Mont», c’est ben drôle! Je songe à faire ma soupe aux pois, ça plaît à tout le monde, petits et grands. Et il faudra fort bien se réchauffer avec ce mélange de gadoue et de slush au sol!

 

J.D.- lundi 27 mars

C’est important pour nous de faire connaître notre mobilisation et les enjeux que nous défendons à l’extérieur de notre quartier, particulièrement dans les milieux d’enseignement. L’éducation populaire est l’un de nos fondements. La semaine dernière, nous avons donné une conférence à la faculté des sciences de l’UQAM dans le cadre d’un cours sur l’analyse sociopolitique des enjeux environnementaux. Une autre sera donnée sous peu dans un cours de géographie à l’UdeM. Plus tard, au printemps, nous participerons même à une activité internationale: l’école de la friche à défendre.

 

PRINTEMPS. Manif-action du 23 mars 2024

C’est la première fois qu’on a à faire une manifestation en pleine tempête de neige à la fin du mois de mars. On est émues de voir tous les gens présents, puis c’est vrai qu’à force de le dire, on croirait presque qu’il ne fait «pas si frette». Au milieu des slogans et des chants «Pas de route c’est toute!», «Non à la bétonisation du monde, oui au vivant!», «boulevard de l’Assomption, boulevard de la mort», on marche, on écoute, on observe, on piétine dans la neige. Derrière les sapins un petit groupe en sort des dalles, se les passent de main en main, jusqu’au milieu du boulevard où s’érige un mur en béton, symbole du blocage. Dynamique et harmonieuse, cette chaîne de travail collective résonne avec, de l’autre côté, celles et ceux qui dansent pour se réchauffer et les autres qui sortent du boisé, les mains pleines d’installations pour commencer les activités. C’était touchant, comme si on pouvait y voir là une complicité du Boisé avec la mobilisation. On ne s’attendait pas à tant de festivités, pour ce qui relevait quand même d’une action politique de blocage. Des concerts, des activités en tout genre, de la danse, n’importe quoi pour se réchauffer, passer le temps et susciter un peu de joie!

Sur place, on a compris l’existence du boisé dans l’espace, sa présence est devenue tangible. Parmi tous les sites industriels, c’est vrai que sa présence interroge. Mais c’est positif et réjouissant. On s’est approchées des pancartes «je t’🖤 boisé», «boisé en péril» qui arborent le grillage, marques d’amour et de protection. En partant, la marche paraissait longue jusqu’au métro, nous qui ne sommes pas de ce quartier. Mais on s’est dit qu’on aimerait vraiment avoir la possibilité d’y revenir au printemps, en visiteuses occasionnelles, respectueuses et solidaires.

Pour citer

Cazamajor, Clothilde et Pernet, Morgane. 2024. Résister et [ré]écrire. Réécritures écologistes. Cahier virtuel. Numéro 9. En ligne sur le site Quartier Fhttps://quartierf.org/fr/article-dun-cahier/resister-et-reecrire

Référence bibliographique

Assemblée nationale. 2023. «Pétition. Abandon du projet de prolongement du boulevard Assomption-Souligny à Montréal». En ligne https://www.assnat.qc.ca/fr/exprimez-votre-opinion/petition/Petition-10167/index.html

Bakhtine, Mikhaïl. 1970. La poétique de Dostoïevski. trad. russe Isabelle Kolitcheff. Paris. Seuil. 347 p.

Berryman, Thomas. 2007. «L’autobiographie environnementale: la prise en compte des dimensions écologiques dans les histoires de vie». In Le biographique, la réflexivité et les temporalités. Tours. Université François Rabelais de Tours, p. 311334.

Ernaux, Annie. 1993. Journal du dehors. Paris. Gallimard. 112 p.

Ernaux, Annie. 2000. La Vie extérieure. Paris. Gallimard. 144 p.

Ernaux, Annie. 2008. Les Années. Paris. Gallimard. 256 p.

Ernaux, Annie. 2016. Regarde les lumières mon amour. Paris. Gallimard. coll. “Folio”. 96 p.

Chénier, Jean-Félix, Yoakim Bélanger. 2023. Résister et fleurir. Montréal. Écosociété. coll. «Ricochets». 176 p.

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